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Stéphanie Hochet, le blog officiel

Presse,présentation, analyse des romans, articles, interviews littéraires


Interview avec Kevin Juliat sur "Haut et fort"

Publié par Stéphanie Hochet sur 22 Octobre 2010, 09:56am

Rencontre avec Stéphanie Hochet

stephaniehochet.jpgOn continue dans les interviews d’écrivains… Cette fois ci, c’est Stéphanie Hochet qui a accepté de se prêter au jeu des questions-réponses. Vous vous rappelez sans doute de son roman « La distribution des lumières » dont j’ai parlé il y a quelque temps. Voici donc le résumé de notre rencontre…

Bonjour Stéphanie et merci d’avoir accepté de répondre à cette interview !

Pour les lecteurs d’Actu Littéraire qui ne vous connaitraient pas encore, pouvez vous vous présenter ?

J’ai 35 ans, je suis écrivain et critique. 

 J’ai publié mon premier roman, Moutarde douce (Robert Laffont) à l’âge de 26 ans. Puis aux éditions Stock : Le Néant de Léon (2003), L’apocalypse selon Embrun (2004), et  Les Infernales (2005).  

Je ne connais pas ma force est paru en 2007 aux éditions Fayard. J’ai reçu le Prix Lilas 2009 pour Combat de l’amour et de la faim (Fayard).

 La distribution des lumières est mon dernier roman en date, publié aux éditions Flammarion pour la rentrée littéraire 2010.

En 2009, j’ai écrit un pamphlet sur Sarkozy : « Je » est bon parce qu’il est moi pour Libération (édité ensuite aux éditions du Seuil).  

 J’ai participé à des projets collectifs comme Collection irraisonnée de préfaces à des livres fétiches publié en 2009 chez Intervalles. Et Le dictionnaire des séries télé, à paraître fin octobre aux éditions Philippe Rey.

Je tiens une chronique pour le magazine culturel BSC News et au Magazine des livres.

Vous avez donc été professeur en Angleterre. Quelles images gardez-vous de ce pays ? Et pensez vous que le théâtre élisabéthain (sujet de votre maîtrise) a influencé votre écriture ?

J’ai vécu à Glasgow, en Écosse, ce qui n’est pas exactement l’Angleterre. J’avais eu le coup de foudre pour ce pays à l’âge de vingt ans, et pendant deux ans, je n’ai eu qu’une idée en tête : aller y vivre. Ce que j’ai fait finalement. J’ai enseigné le français dans des lycées, c’est une expérience qui a beaucoup compté, et qui représente certainement un tournant dans ma vie.  

L’influence du théâtre élisabéthain ?  J’ai puisé chez Shakespeare un certain goût pour le mélange des genres : le tragique y côtoie le comique, le vers libre laisse place aux plus éblouissants sonnets, la mort rode autour des joies paillardes.  Le grand  Will  comme on l’appelait appréciait le déguisement, et plus encore le travestissement, délice supplémentaire qui nous rapproche de sujets contemporains car il pose la question de l’ambiguïté sexuelle. J’ignore si mon style en a conservé des traces, mais une chose est sûre, c’est avec cette poésie-là que je me suis formée. Ainsi qu’avec celle de T.S Eliot qui lui est postérieure, et plus dépressive.

Votre premier livre, « Moutarde Douce », paraît en 2001. Comment s’est déroulée l’écriture de ce primo roman ? Etait-ce votre premier texte ou bien le Xème d’une longue série de livres restés au fond d’un tiroir ?

Moutarde douce :   mon livre le plus frondeur. Je me suis beaucoup amusée. Dans le sillage de Laclos et de Montherlant  j’ai voulu écrire un roman épistolaire où il serait question de séduction, de manipulation. La forme « classique » d’un tel projet m’a paradoxalement donné une grande liberté de ton, j’en ai profité pour brocarder quelques travers de l’époque. Et au fil de l’écriture, je découvrais des rebondissements inattendus, avec le recul, je pense que c’est le livre qui se rapproche le plus de l’esprit du théâtre italien (dont l’influence était importante chez les dramaturges de la Renaissance anglaise, et ceci rejoint la question précédente). Je l’ai écrit dans un état de grâce, les livres actuels me demandent plus d’introspection, me mettent dans de plus grands états de malaise. Ce n’était pas mon premier roman, mais il était le premier pour lequel j’avais envie de me battre, j’avais franchi un palier. 

Nous sommes actuellement en pleine rentrée littéraire, et vous soufflez à peine depuis la sortie de votre « Distribution des lumières ». Pouvez-vous déjà nous rappeler d’où vient ce titre ?

Les manuels de peinture parlent de la distribution des lumières et des ombres pour définir la technique du clair-obscur. Dans son œuvre, Le Caravage (par exemple) plaçait certains personnages dans la lumière, d'autres dans l'ombre, de manière à accroitre l’intensité, la violence de ses sujets. Dans mon livre, les personnages qui s’expriment (le trio Aurèle Jérôme Pasquale) sont dans le champ direct du texte, mais l’être aimé : Anna, demeure le point focal dans  l'ombre. Il en va de même pour les événements dont certains sont tus, alors que d'autres sont mis en lumière, selon la même technique. Un autre aspect du texte est l’attirance de Jérôme, le jeune attardé mental pour les objets brillants, ceux sur lesquels il voit la lumière danser. C’est donc un titre qui qualifie une part du sujet du roman mais plus encore la technique du texte.

Dans ce roman, on croise Anna Lussing, une professeur de musique. Vous êtes vous servie de votre expérience dans l’enseignement pour modeler ce personnage ?

Je n’ai heureusement pas subi le même sort qu’Anna quand j’étais professeur. Il existe une part de séduction dans ce métier, c’est quelque chose qu’on sent, et il n’est pas difficile d’être conscient de l’intérêt que vous suscitez chez certains élèves. Tant qu’on reste dans le jeu et qu’on  respect le rôle de chacun, je ne vois pas où est le mal. Le sujet de La distribution des lumières c’est le reflet qui est affaire de lumière. Anna, c’est le prénom même du reflet : prénom en miroir parce que palindrome. Ce n’est donc pas seulement en tant qu’enseignante qu’Anna est centrale dans cette histoire, c’est parce qu’elle s’appelle Anna.

A la lecture de vos autres romans, on remarquera une passion singulière pour le personnage adolescent, souvent cruel. D’où vous vient cette fascination ?

C’est vrai que j’y reviens souvent sans doute parce j’ai besoin d’appréhender la grande sauvagerie originelle.

Votre livre propose également une critique de la politique italienne. Avez-vous une conviction politique arrêtée ou est-ce un simple jeu narratif ?

J’ai des convictions, oui. Elles ne sont pas arrêtées, elles sont le fruit de ma réflexion, elles peuvent changer, évoluer en tout cas. En aucun cas, je n’ai voulu faire un exercice de style ou me livrer à un simple jeu narratif. J’ai voulu être au plus proche de mon personnage, en l’occurrence Pasquale. Les convictions de Pasquale sont le contraire de l’indifférence dangereuse de ceux qui laissent les abus se perpétrer.

Le personnage de Jérôme est un être simple, retardé mentalement. Avez-vous passé du temps avec ce type de personne pour le décrire et le faire vivre aussi bien ?

Mon cousin était attardé mental. Nous étions nés la même année et nous étions assez liés. Il est mort à l’âge de vingt ans.  Le personnage de Jérôme dans La distribution des lumières n’en est pas la copie conforme, mais il existe des points  communs. Si ce personnage existe je crois que c’est davantage grâce à mon travail de romancière qui a pour ambition d’empoigner la réalité humaine.

Êtes-vous allée au bout de ce que vous souhaitiez ou l’écriture vous a-t-elle rattrapée et emmené sur des terres inconnues ?

Les deux. Heureusement. Même si je pars avec un projet, l’écriture d’un roman est toujours une aventure, ça ressemble un peu à la navigation en mer, on ne peut pas tout prévoir, et ça fait partie du plaisir.

Vous êtes particulièrement soutenue par des écrivains de grande influence, comme Amélie Nothomb ou Pierrette Fleutiaux. Maintenant que vous êtes une « aînée » pour de jeunes écrivains, qui tentez vous de soutenir au maximum ?

Émilie de Turckheim. C’est une romancière très prometteuse. Et je suis son ainée de cinq ans.

Le livre qui a marqué votre enfance :

Peines de cœur d’une chatte anglaise, de Balzac (voir la préface que je lui ai consacré dans le recueil Collection irraisonnée de préfaces à des livres fétiches.)

Le livre qui a marqué votre adolescence :

Les fleurs du mal, Baudelaire.

Le livre qui vous a marquée cette année :

Petite sœur, mon amour, de  Joyce Carol Oates.

Livre relu encore et encore :

Les illuminations de Rimbaud.

L’artiste dont vous vous sentez proche :

Joyce Carol Oates.

Le dernier film qui vous a plu :

Des hommes et des dieux.

Citation favorite :

Je vous annonce une rage de suicides contre laquelle vous ne pourrez rien. Bernanos.

James Dean écrivait « Il faut vivre vite, mourir jeune et faire un beau cadavre » : qu’en pensez vous ?

Je pense qu’il a parfaitement illustré son propos.

La question que je ne vous ai pas posée et que vous auriez aimé entendre ?

Que voudriez-vous que Dieu vous dise après votre mort ?

(Et ma réponse serait: « J’aime beaucoup ce que vous faites »)

Une question que vous aimeriez me poser :

Que feriez-vous pour l’amour d’un livre ?

Et ma réponse serait : Je prendrai tous les risques pour le défendre, en parler. Voire même à effectuer un pèlerinage sur les lieux de l’action, si le lieu existe, bien sûr.

Et le mot de la fin est pour vous…

Merci pour cette interview, je me suis bien amusée.

 

 

 

http://actulitteraire.hautetfort.com/

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