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Stéphanie Hochet, le blog officiel

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L'écrivain italien Giovanni Merloni parle de "Combat..."

Publié par Stéphanie Hochet sur 6 Juillet 2010, 09:32am

 

LE COMBAT DE STEPHANIE HOCHET
    Ce n’est pas seulement le combat de l’amour et de la faim. C’est surtout le combat de la mesure et de la démesure.
À mon avis, la qualité la plus remarquable de ce roman nous vient de la mesure dont Stéphanie Hochet a une véritable maîtrise, c’est-à-dire d’une admirable économie des mots sur un rythme dépouillé et parfois austère, qu’on retrouve à chaque page et qui s’appuie sur un langage simple qui sait toujours trouver l’endroit précis où le mot qui frappe, ou qui donne l’envie de lire encore et d’en savoir plus doit s’installer. Jusqu’au moment où l’on est tout plongés dans « Le Blanc et le Noir » de façon qu’on est tous inconditionnels de Marie, un personnage très fascinant qu’on pourrait considérer le dernier enfant de la lignée de notre héros stendhalien.
Cette mesure ne fait qu’augmenter le rôle et l’importance de la démesure dans ce roman. Car la démesure envahit au pied de la lettre les parties blanches du livre, tout ce qui reste invisible parmi les mots imprimés, commençant par l’esprit de ce personnage doux et violent — qu’on accepte avant de comprendre — « obligé à vivre » qui se rendra compte à la fin de son parcours qu’il a vécu le même cliché de vie que sa mère.
À travers ce combat, entre la mesure et la démesure Stéphanie Hochet nous aide à comprendre, à lier les différents moments de ce déplacement éternel, de ville en ville, d’hôtel en hôtel et en même temps elle nous donne une petite « mesure de la démesure » des sentiments et des désirs — de joie, ou de faim ou même de justice — en train de bouleverser ce jeune homme qui va devenir bientôt un vieux jeune homme.
Donc, ce livre se déplace du sud au centre des États-Unis et situe l’histoire terrible de ce fils désespéré dans la géographie et l’histoire de ce pays au commencement du siècle passé, jusqu’à la crise du 1929. Une histoire qu’on nous a racontée et montrée dans une montagne de films et documentaires, un pays que les Européens connaissent par cœur sans avoir une nécessité absolue d’y aller. C’est pour cela peut-être que Stéphanie Hochet a soigneusement évité de surcharger les descriptions et d’expliquer au-delà du strictement utile au récit. Elle n’a pas eu besoin non plus de mettre en piste des policiers, des procès, des dialogues concernant les vols ou le possible meurtre de l’ami de June. Tout ça, on peut l’imaginer, le deviner et reconstruire : ne pas en parler aide beaucoup à la mesure et légèreté du texte.
Et au déchainement de tout ce qui se déroule au-dessous de la page. La force irrationnelle de la vie qui explose bruyamment et tragiquement suivant, en même temps, une logique.
Car l’escalade des actions mauvaises de Marie Shortfellow correspond, au fond, à une quête de justice. La haine que Marie ressent envers Tomberry, le frère d’Heather, c’est la même haine qu’il prouve envers son unique véritable victime, Walter, le copain de June. Et c’est la troisième fois qu’une espèce d’inceste s’affiche à ses yeux. Car Tomberry était amoureux de sa sœur Heather, tandis que John Clemens était peut-être amoureux de sa fille May…
C’est la faim, selon ce libre, la seule et simple faim qui emmène le protagoniste à sacrifier l’amour jusqu’à descendre aux abîmes de toute moralité. Mais avec la faim il y a aussi quelque chose de très compréhensible et raisonnable qui le pousse à agir de sa façon : il n’a pas eu d’incestes dans sa vie, il est tout à fait normal, il voudrait seulement, comme sa mère, trouver un abri, une pause. Il la trouvera dans sa cellule de prison.
C’est un livre d’exception, écrit par une femme qui se raconte en homme à la première personne. Et cet homme porte sur soi un prénom de femme. Le plus tragique possible : Marie.
Giovanni Merloni
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