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Stéphanie Hochet, le blog officiel

Presse,présentation, analyse des romans, articles, interviews littéraires


La mort dans le désert

Publié par Stéphanie Hochet

Catégories : #Mes lectures

 

Un adolescent kidnappé par des djihadistes

Spécialiste du désert et hanté depuis plusieurs livres par la figure de l’adolescent confronté à la violence du monde, Alain Blottière livre un texte fort et bouleversant sur la manipulation mentale. Il a reçu le prix Décembre 2016.                                           

Le thème de ce roman évoquera l’actualité la plus tragique de notre époque et pourtant le dernier opus d’Alain Blottière est une œuvre littéraire si mystérieuse qu’elle hantera longuement ses lecteurs les plus exigeants. Un homme dont on suppose qu’il est soit policier soit juge pour enfants interroge un adolescent de 14 ans sur son expérience d’otage dans le désert et se heurte à la mémoire très partielle de celui-ci. Cet adolescent enlevé par des djihadistes avec ses parents et ses deux jeunes frères, Clément et Louis, est le seul à revenir vivant et il n’a pas laissé dans le désert « que » sa famille, son nom également, Baptiste. L’adolescent prétend s’appeler désormais Yumaï. Yumaï désigne un renard du désert en arabe, c’est le nom que ses ravisseurs lui ont donné. En adoptant cette nouvelle identité, le garçon prétend que Baptiste est mort. La question du livre, finement creusée, avec suspens et psychologie, est de savoir ce que le jeune homme n’est plus et qui il est désormais. Alternant son récit des entretiens entre l’interrogateur et Yumaï/Baptiste et d’une narration à la troisième personne sur les épisodes  de la séquestration, Alain Blottière nous fait entrer dans un univers  tour à tour violent et magnifique. Violent par les méthodes d’intimidations symboliques  (les vêtements noirs et le voile recouvrant le visage à l’exception des yeux que la mère de Baptiste doit porter), la maltraitance physique, les menaces de mort quotidiennes et filmées, les mises en scène d’exécution auxquelles la bande de djihadistes menée par le sadique Amir leur fait croire en les forçant à s’agenouiller, les tortionnaires se plaçant dans leur dos et tirant des rafales vers le ciel, concluant après coup que la désobéissance mènera à l’exécution réelle. Magnifique par ses scènes de solitude que connaît Baptiste, rapidement isolé de son clan et envoyé dans une grotte où il doit attendre durant des jours qu’on vienne le chercher (pour le mettre à l’épreuve ? Faire de lui un guerrier ?). Il y découvre quand le jour se lève des dessins préhistoriques recouvrant les parois de la caverne qui le laissent ébahi. Magnifiques également les nuits dans le désert quand le garçon est absorbé par le spectacle vertigineux des étoiles et la sensation de plénitude induite par l’immensité. Peu d’écrivains ont si bien parlé du désert : C’était un paysage d’avant les hommes, ou de longtemps après. Une terre sans les hommes et même sans les animaux, libre d’elle-même, seulement soumise à ses propres lois. Sculptée par les vents et les pluies peut-être, des séismes quelquefois, brûlée par le soleil. Progressivement, Alain Blottière rend la mémoire à Baptiste/Yumaï et dévoile une tragédie sanglante en explorant les ambiguïtés de l’emprise, les effets de la violence sur un cerveau juvénile. Inoubliable.

S.H.

Comment Baptiste est mort d’Alain Blottière

Editions Gallimard

201 pages

Mars 2016

 

 

La mort dans le désert
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